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Le plus grand derby de France est incomparable. Dimanche soir, à Geoffroy-Guichard, tous les ingrédients du derby étaient réunis. Des buts, du spectacle, de la tension, des supporters visiteurs, de l’engagement, du chambrage. Seulement voilà, ce qui devait être une fête est reflétée comme une honte par certains grands médias français. Alors une question se pose : le derby est-il vraiment reconnu à sa juste valeur par les observateurs ?

Geoffroy-Guichard, dimanche 5 novembre 2017, 22h50. L’OL mène 4-0. Nabil Fekir est lancé en profondeur, prend le temps d’ajuster Ruffier, et inscrit le cinquième but lyonnais. Pour sa célébration, il enlève son brassard, retire son maillot, et le montre au Kop Sud stéphanois, comme une fierté d’avoir infligé à l’ennemi de toujours une fessée mémorable. Furieux du score et de cette pique du capitaine lyonnais, certains fans des Verts trouvent bon de s’introduire sur la pelouse, et ainsi provoquer l’arrêt de la rencontre pendant plus de 30 minutes. Car non, ce n’est pas Nabil Fekir qui a fait arrêter la rencontre, mais bien les individus étant rentrés sur la pelouse. Dans les règlements, rien n’interdit un joueur de brandir son maillot. C’est de là que tout part. Pour la plus large victoire de l’histoire de l’OL dans un derby, Canal a semblé plus intéressé par la provocation du génie lyonnais, tandis que dans L’Equipe de ce lundi, on parle plus de cet événement que de jeu. Les médias auraient-ils oublié la dimension d’un derby pour les deux clubs ?

A sur-vendre des fausses rivalités, on en oublie les vraies traditions. Il y a deux semaines, et pendant des jours auparavant, la chaîne Canal + a multiplié les teasings pour PSG-OM, ce match dont la rivalité n’est qu’une pure invention de…Canal, créée il y a plusieurs années pour dynamiser le championnat de France. Alors forcément, quand vient une confrontation entre deux clubs qui se détestent réellement, les mots choquent, les tifos font réagir, et les actes sur le terrain font couler beaucoup d’encre. Mais la tension qui régnait sur Geoffroy Guichard dimanche soir n’a étonné nul suiveur des deux camps. Chambrer fait pleinement partie du derby. Cela peut choquer et ce n’est pas commun, certes. Mais à banaliser une rivalité historique qui lie stéphanois et lyonnais, Canal en a sans doute oublié le propre d’un derby : l’engagement, la tension, et l’immense fierté de triompher.

Sur le plateau du Canal Football Club, en après match, ou plutôt pendant la longue coupure de la 85e minute de jeu, journalistes et consultants semblaient étonnés et dépassés par la célébration de Fekir. Si Pierre Ménès a tenu à rappeler que Nabil Fekir en avait pris plein la figure tout au long du match, il n’a pas non plus manqué de l’accabler. Pas un consultant ne se contredit, tous jugent le geste déplacé et irrespectueux, et Stéphane Guy en fait des tonnes. Le supporter parisien a sans doute oublié qu’il n’y avait pas que le PSG en Ligue 1. Par la suite, Bruno Génésio se fait interviewer sur cette même chaîne, et ne manque de condamner la célébration de son joueur. Osé pour un entraîneur qui est encore à sa place en (très) grande partie grâce à son capitaine. Des propos qu’il tempérera cependant peu après la fin du match. Sans doute a-t-il vu que Jean-Michel Aulas, sur son réseau social favori, s’en donnait à cœur joie pour défendre Nabil Fekir.

Continuons dans la grande famille Canal, et arrêtons nous quelques instants sur le compte Twitter de Geoffroy Garétier. Le journaliste d’InfoSport + a tout simplement commencé par traiter Nabil Fekir « d’imbécile ». Si chambrer dans un derby est un acte d’imbécile, quel terme faut-il employer pour le tacle de Lacroix, les affrontements entre supporters, ou l’envahissement de la pelouse par les kops stéphanois ? Et puis, comme s’il ne s’était pas suffisamment ridiculisé, M.Garétier continue avec un « Fekir n’est ni Messi, ni CR7 ». Quand c’est Messi ou Cristiano c’est fantastique, quand c’est Fekir, c’est dramatique. Vous avez dit double discours ?

« Chambrer le public stéphanois n’est pas ce qu’il (Nabil Fekir) a fait de mieux dans cette atmosphère », peut-on lire dans L’Equipe du 6 novembre. C’est pourtant une image marquante, qui restera à jamais dans la légende du derby. Comment peut-on reprocher à un joueur de 24 ans, Lyonnais depuis sa naissance, et capitaine de son club formateur, de fêter une victoire 5-0 et un doublé personnel face à l’équipe que tout l’OL aime détester, et vice versa ? Ces petits gestes, ces petites provocations nourrissent une rivalité plus vieille que les deux clubs. Ne plus vouloir de ces provocations, c’est sacrifier l’âme du derby. Et tout stéphanois de bonne foi vous le dira, il aurait adoré que la situation inverse se produise. Le derby est fait d’actes comme celui-là, qui sont les symboles d’une rivalité que seuls les passionnés peuvent comprendre réellement.

« La célébration de Fekir est-elle choquante ? Doit-il être sanctionné ? » peut-on lire sur lequipe.fr. Ce même site sur lequel on pouvait lire « La célébration de Messi déjà culte », lorsque l’Argentin faisait un geste identique au Bernabeu. Hervé Penot et Bernard Lions, qui penchent clairement côté stéphanois, tentent donc d’y répondre. Sans surprise, ils condamnent le geste du meilleur buteur lyonnais, le jugeant « inapproprié ». Ils nous expliquent aussi que ce qu’a fait Nabil Fekir est incomparable au geste de Lionel Messi, question de contexte parait-il. Deux clubs qui se détestent, but et victoire dans le stade de l’ennemi, pas le même contexte ont-ils dit… Cerise sur le gâteau, les journalistes jugent que Nabil Fekir doit être sanctionné. Heureusement que le ridicule ne tue pas, ils connaissent pourtant par cœur le derby… La LFP va d’ailleurs ouvrir une enquête qui vise, en partie, la provocation du capitaine des Gones.

Fort heureusement, bon nombre de papiers ne reflètent pas les mêmes idées. Nicolas Kssis-Martov de So Foot est l’auteur d’un excellent papier à lire en cliquant ici, tout comme celui de Damien Dole du journal Libération, à lire en cliquant ici. Comme quoi, on peut être journaliste d’un grand média français et comprendre l’essence même du derby, qui dépasse le cadre de tout match de football traditionnel. Et comme le dit Nabil Fekir, « si on ne peut plus rien faire, mieux vaut faire du théâtre ».

Alors, à écouter la presse française, on a l’impression que Nabil Fekir a cassé la jambe d’un stéphanois, craché sur l’arbitre, et frappé un supporter en sortant du terrain. Non, Nabil Fekir a juste éclaboussé le derby de son talent, et est, par ce geste totalement dans l’esprit du derby, rentré par la grande porte dans l’histoire des Lyon-St Etienne. Et si les journalistes aiment enfoncer Fekir, ils prendront pourtant un grand plaisir à se remémorer l’action pour faire monter la pression avant le derby retour…

Copyright photo : Peggy D. / www.coeur-de-gone.fr

Idèr Nabili

Idèr Nabili

Supporter lyonnais et rédacteur pour coeur-de-gone.fr

Le coin des Gones

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